DER ERDSTALL 50 (2024) – Résumé

Traductions par: Julia Walter


Ralf Keller

Le développement de la recherche sur les Erdställe en Europe centrale.
Des premières recherches à 1975

L’article retrace l’historique des recherches portant sur les Erdställe en Bavière, Autriche et en République tchèque. On notera les divers faits et périodes marquantes qui ont constitués une avancée ou un frein à la connaissance et aux chercheurs. On citera notamment les divers articles parus dans des revues archéologiques dans les années 1880 qui ont fait connaître l’existence et la répartition de telles installations dans ces trois pays. Toutefois, après l’attribution en 1917 de ces souterrains d‘Erdstall à la période médiévale, les pré- et protohistoriens professionnels d’Allemagne et d’Autriche se sont désengagés du sujet, dont l’étude et la documentation ont été poursuivi par des amateurs et bénévoles. Cette situation ne s’est que lentement modifiée avec l’émergence de l’archéologie médiévale à partir des années 1960. Avec la création d’un groupe de travail en 1973, la recherche sur les Erdställe a reçu une nouvelle impulsion (voir Der ERDSTALL 48/49, 2023, p. 193–209).

(Ce résumé a été traduit par Magali Garcia.)


Hanna Schneck

Emil Wrbata – le premier photographe des Erdställe en Autriche

En 1896, Emil Wrbata, photographe de formation à l’Institut d’enseignement et d’essais graphiques de Vienne, a été chargé d’accompagner le père Lambert Karner lors de ses excursions dans de nombreux Erdställe en Autriche. Pour Wrbata, qui n’avait alors que 20 ans, photographier les galeries et les chambres étroites relevait d’un grand défi, car les photographies sous terre nécessitaient encore l’utilisation d’un flash au magnésium. L’utilisation du flash dans les espaces mal ventilés était compliquée et non sans danger en raison de l’important dégagement de fumée. Il est d’autant plus étonnant de constater la qualité des prises de vue de Wrbata même à l’heure actuelle. Elles sont considérées comme étant les premières photographies des Erdställe, ont été présentées à l’époque dans des conférences-diapositives qui ont fait sensation et ont été publiées en 1903 dans le célèbre livre de Karner Künstliche Höhlen aus alter Zeit (Grottes artificielles des temps anciens). Wrbata a non seulement accompli un travail de pionnier dans la recherche sur les Erdställe ; son expérience en matière de prise de vue difficiles a été d’une grande utilité pour la direction de la police viennoise. À partir de 1902, il a dirigé l’atelier de photographie de cet établissement et a utilisé les technologies les plus récentes pour documenter photographiquement les scènes de crime et les enquêtes.


Martin Müller

Méthodes actuelles de relevé 3D des Erdställe

Pour déterminer les dimensions et la forme des Erdställe de manière précise et détaillée, plusieurs méthodes sont disponibles depuis quelques années, notamment la photogrammétrie, le laser scanning et le LiDAR. L’article explique leurs différentes caractéristiques, leurs atouts et faiblesses, et présente une série de relevés d’Erdställe réalisés à l’aide de ces méthodes.


Otto Cichocki, Bernhard Groiss, Mario Wallner, Michael Weissl  

Une méthode moins coûteuse pour obtenir un relevé 3D de haute qualité des Erdställe

Dans les Erdställe exigus, il n’est souvent pas possible d’installer un scanner pour générer directement un nuage de points. Ces dernières années, la photogrammétrie/la modélisation par image (structure from motion) a toutefois permis de développer une solution économique pour créer des visualisations 3D précises d’Erdställe à l’aide de photos. Ce procédé permet de calculer un nuage de points à partir d’un grand nombre de photos se recoupant et de le tapisser avec les valeurs chromatiques des pixels photographiques. Ce calcul peut être effectué par exemple avec Agisoft Metashape, AliceVision Meshroom ou d’autres solutions logicielles de photo­grammétrie. La visualisation, corrigée à l’aide de points de référence, permet de prendre des mesures et aussi de déterminer et de représenter facilement le plan au sol, le plan vertical et les coupes transversales des galeries à n’importe quel endroit.


Kurt Niel, Raimund Edlinger

Relevé 3D de l’Erdstall d’Unterstetten/Tollet

L’Erdstall d’Unterstetten, en Haute-Autriche, a fait l’objet d’un relevé 3D en novembre 2023 à l’aide d’un scanner mobile. Celui-ci se compose d’une tablette avec une caméra couleur et une caméra de profondeur ainsi que d’un éclairage fixé sur la même poignée. La mesure a permis d’identifier et d’examiner certains détails de l’Erdstall.
L’Erdstall de type B, qui remonte à environ 800 ans, présente un grand nombre de caractéristiques, rarement réunies de manière aussi complète au même endroit : sept chambres reliées par un goulot horizontal et cinq goulots verticaux ; les chambres sont disposées autour d’un puits auxiliaire de construction elliptique, enseveli ; on trouve des niches à lampe et des bancs ainsi que des vestiges relatifs à une porte de défense avec meurtrière et une pierre de scellement ; la longueur totale de la construction est de 37 m, la différence de niveau de 6 m ; une chambre présente des sillons muraux créés à la main.
La tablette Lenovo Phab2 pro comprend une caméra couleur, un capteur de profondeur et un gyroscope. L’évaluation est basée sur le projet Tango de Google et l’algorithme RTAB (Real-Time Appearance-Based Mapping App). Une mesure de référence a déjà été commencée avec le scanner 360° Leica BLK360. Les enseignements tirés de la manipulation et de la comparaison sont pris en compte dans le développement de MOBES (Mobiler Erdstall Scanner).
L’association « OÖ Erdstallzentrum Tollet Unterstetten » souhaite présenter l’Erdstall d’Unterstetten ainsi que d’autres Erdställe au public sans avoir à les visiter. Une présentation multimédia sur place et des visites virtuelles via la page d’accueil de l’association https://OOE-Erdstallzentrum.at sont prévues.


Hartwig Büttner

Les premières techniques d’éclairage dans les mines souterraines

Depuis les temps anciens, les sources de lumière artificielles sont indispensables et vitales pour le travail dans le noir éternel des mines souterraines. Seule la maîtrise du feu comme source de lumière et de chaleur et pour la préparation de la nourriture, ainsi que, plus tard, l’invention de la technique de production du feu, ont rendu possible l’exploitation de gisements souterrains de matières premières et ont finalement contribué largement au développement et à l’expansion géographique des cultures humaines. Les premières formes d’éclairage consistent en des copeaux de bois riches en résine (bois gras), de simples lampes fermées ou ouvertes sur lesquelles on brûlait, selon les disponibilités, des huiles végétales ou de la graisse de viscères de ruminants fondue (suif) avec des mèches à base de matériaux simples et des bougies sébacées. Dans les mines, ces formes d’éclairage primitives se sont en partie maintenues jusqu’au début du XXe siècle. On peut supposer que les moyens d’éclairage typiques utilisés par les mineurs d’une certaine époque, étaient également employés dans des installations souterraines comparables telles que les Erdställe, même si, jusqu’à présent, des trouvailles archéologiques évidentes font défaut dans ce domaine.


Josef Weichenberger

L’Erdstall à Reinolz 4, Dobersberg, Basse-Autriche

En février 2024, un agriculteur de Reinolz 4, dans la commune de Dobersberg (Basse-Autriche), a découvert cet Erdstall lors de travaux de rénovation de sa ferme. L’installation était inondée et c’est seulement après des heures de pompage qu’il a été possible d’y accéder en pantalon de pêche. Il s’est alors avéré qu’il s’agit d’un Erdstall dont 16 mètres sont encore conservés. Le sol en place est du gneiss. Trois prolongements de galeries ne sont plus accessibles.
L’installation présente des éléments typiques d’un Erdstall avec ses galeries étroites et anguleuses, un goulot, une galerie rampante, 15 niches à lampes et un trou d’aération.
Il semble qu’après les jours de pluie et suite à la fonte des neiges, il y ait un problème avec des infiltrations d’eau qui inondent l’Erdstall.
Le propriétaire s’efforce de le préserver.


Oliver Fries, Lisa-Maria Gerstenbauer, Alarich Langendorf, Andreas Steininger

Nouvelles recherches sur l’Erdstall et l’église fortifiée de Kleinzwettl
(Basse-Autriche)

Dans le cadre d’un projet mandaté par l’association Zukunftsraum Thayaland et soutenu par l’UE, l’équipe des auteurs a élaboré au cours de l’hiver 2022/2023 le projet d’une salle d’exposition sur le thème de l’Erdstall dans la commune de Thaya, comprenant cinq panneaux d’information et une maquette d’Erdstall grandeur nature accessible, réalisée grâce à un procédé d’impression 3D en béton, ainsi que cinq autres panneaux d’information sur l’église fortifiée de Kleinzwettl (commune de Gastern) et sur l’Erdstall qui se trouve en dessous. Les connaissances acquises dans ce contexte font l’objet du présent article.
L’accès à l’Erdstall de Kleinzwettl se fait depuis le chœur de l’église. L’Erdstall mesure 56 m de long et se termine par un chemin de ronde partiellement obstrué. Après environ 7 mètres de galerie tortueuse, on arrive dans une chambre d’environ 4 x 1 m, entièrement maçonnée et dotée d’une voûte en berceau à mœllons.
Du point de vue historique, il faut savoir qu’à l’époque du gothique tardif, probablement lors de la construction de l’actuelle voûte à deux vaisseaux de la nef dans les années 1460, on a non seulement tenu compte de l’Erdstall, mais on a également fait des efforts pour qu’il reste accessible. Ainsi, la chambre voûtée, située sous la nef nord de l’église, et l’accès actuel à l’Erdstall datent de cette époque, si l’on en croit la technique de maçonnerie particulière employée (appareil polygonal de type « Zwickelmauerwerk »). En outre, la voûte de la nef construite dans les années 1460 comprend un pilier qui se situe au-dessus de l’Erdstall. Afin de ne pas devoir le combler et l’abandonner, et pour assurer les fondations du pilier, une dalle en pierre a été ajoutée au plafond de l’Erdstall en guise de stabilité.
Les mesures de remise en état et de conservation mentionnées datent donc d’une époque où les Erdställe n’étaient plus utilisés dans d’autres lieux et avaient été partiellement comblés.


Peter Wischenbarth

Les Erdställe ainsi que les galeries souterraines de l’arrondissement de Neu-Ulm (Bavière) et des environs

À ce jour, on a connaissance de dix Erdställe dans la région entre les rivières préalpines Iller et Günz du sud-ouest bavarois. Quatre d’entre eux ont été découverts au XIXe siècle, voire plus tôt, et six autres aux XXe et XXIe siècles. L’un des Erdställe présente très vraisemblablement un lien avec l’église, tandis que quatre entrées se trouvent dans des caves. Finalement, cinq autres Erdställe sont situés en terrain découvert. La géologie du terrain d’enquête a révélé la présence uniforme de sable fin jaune du Miocène, qui permet un forage très facile des galeries. Les Erdställe étaient vides de trouvaille archéologique, mis à part un couloir à Deisenhausen. On y aurait trouvé un « pot », lequel est considéré disparu aujourd’hui.
L’un des Erdställe du parc archéologique de Kellmünz abritant un fort romain d’époque tardive est très particulier. Le réseau de couloirs souterrains a été remarqué en 2013 suite à un effondrement de terre. Les couloirs présentent des arcs brisés gothiques et donnent accès à une pièce annexe au travers d’un goulot. Cet Erdstall est mis à disposition pour les recherches à venir. À cet effet, il a été équipé d’un accès pouvant être fermé.
En dehors des Erdställen évoqués, le secteur de travail a révélé de nombreux couloirs souterrains aménagés de tuiles et de blocs de pierre. Ils servaient sans doute entre autres à évacuer l’eau de pluie. La présence de véritables couloirs de secours reste à déterminer.


Martin Müller

Un Erdstall à Thaya et sa maquette en grandeur nature

Un Erdstall à Thaya (Basse-Autriche) a fait l’objet de relevés numériques à l’aide de méthodes de géodésie et d’un scanner laser. L’impression 3D en béton a permis de fabriquer une maquette à l’échelle 1:1, exposée depuis 2023 à l’Erdstallzentrum Thaya, où elle peut être visitée et parcourue en rampant.
Ce procédé innovant de fabrication de la première maquette d’Erdstall de ce type est également présenté dans l’espoir que d’autres maquettes d’Erdstall pourront voir le jour à l’avenir. Grâce à ces maquettes, les visiteurs seraient en mesure de s’informer sur la thématique et pourraient simuler leurs propres parcours, tout en préservant les véritables Erdställe.


Franz Lindenmayr

Les tunnels de Cu Chi au Vietnam

Dans les environs de Hô Chi Minh-Ville, au sud du Vietnam, entre le Mékong et la frontière cambodgienne, un immense réseau de tunnels souterrains de 300 km a été construit par la France depuis la guerre d’indépendance et surtout pendant la guerre du Vietnam.
Aujourd’hui, le site est devenu une destination touristique très prisée et très fréquentée.
Karl Schwarzfischer s’est penché dès 1988 sur les points communs et les différences entre les Erdställe et les tunnels de Cu Chi. En 2022, j’ai eu l’occasion de les découvrir moi-même à l’occasion d’un voyage au Vietnam et j’ai été extrêmement impressionné. Ce sont de pures installations militaires que personne n’a envie de parcourir longtemps. Si les Erdställe ont jamais rempli un « objectif », celui-ci est encore bien plus « mystérieux » pour moi.


Otto Cichocki

Sir Karl Popper et les Erdställe

En 1972, le philosophe Karl Popper a présenté dans une conférence radiodiffusée intitulée « La doctrine de la science du point de vue de la théorie du développement et de la logique » le schéma en trois étapes « 1° Problème – 2° Tentatives de solution – 3° Elimination » et l’a introduit dans la théorie de la science. C’est surtout le fait que les chercheurs peuvent falsifier et éliminer eux-mêmes les tentatives de solution à la troisième étape qui leur permet de maintenir leur estime de soi et de faire progresser considérablement la science moderne. Il s’agit d’examiner dans quelle mesure la recherche scientifique sur les Erdställe adhère à ce schéma et à ses implications et de déterminer les aspects dont elle peut tirer profit.